>Article de la revista La Croix sobre els musulmans a Catalunya

Article de la revista La Croix sobre els musulmans a Catalunya

REPORTAGE. Les Catalans croyaient avoir réussi l’intégration de leurs immigrés musulmans.
Ils découvrent les faiblesses de l’organisation de l’Islam qui laissent le champ libre à toutes les dérives.
Manifestation de musulmans lundi à Barcelone : « Pas en notre nom, nous sommes Barcelone », peut-on lire. / Matthias Oesterle/ZUMA/REA/
Une semaine après l’attentat, les habitants de Barcelone continuent à vivre, souvent en silence, le traumatisme des Ramblas. Certains s’apprêtent à manifester, samedi 26 août, à la suite du Roi d’Espagne et des officiels.
Quelque chose s’est brisé dans le rêve d’une capitale catalane qui se revendique « ville monde ». En haut de la ville, dans les quartiers bourgeois, des Catalans revenus de vacances ont pu participer dimanche à « l’eucharistie pour la paix et la concorde », dans la Sagrada Familia.
Le lendemain, en bas, les musulmans du quartier du Raval étaient appelés à manifester. Ils étaient deux mille à scander « les musulmans ne sont pas des terroristes » le long des Ramblas, où sont posés les lumignons rappelant les morts de jeudi.
Le père Jaume Flaquer, jésuite, spécialiste des relations avec le monde musulman, était avec eux. « La condamnation du terrorisme m’a paru sincère. Mais, elle a mobilisé peu de gens, quand on connaît l’ampleur de la population du Raval », estime-t-il. Il se souvient que la motivation était plus importante « pour manifester à l’époque des caricatures de Mohammed ou du discours de Ratisbonne de Benoît XVI. Nous avons alors réussi à les dissuader de descendre dans la rue. »
Les Marocains, première communauté musulmane de Catalogne
Les musulmans de Catalogne sont un demi-million, pour une population de la communauté autonome de 7,5 millions de personnes. Les Marocains d’origine sont les plus représentés, avec 400 000 personnes, suivis par 70 000 Pakistanais et 30 000 Sénégalais.
« Cette immigration a commencé dans les années 1970 pour s’accélérer jusqu’à la crise économique de 2008 », précise Yolanda Aixelà, anthropologue à l’institut Mila i Fontanals. Elle explique cette origine marocaine par les échanges historiques entre l’Espagne et le royaume chérifien. « Il s’est aussi développé des relations privilégiées entre la Catalogne et la région du Rif qui se sentait différente du pouvoir central. De nombreux marocains installés en Catalogne en sont originaires. »
DIAPORAMA : http://www.la-croix.com/Monde/Europe/A-Barcelone-Rambla-proclame-paix-2017-08-20-1200870782&;source=gmail&ust=1504178282915000&usg=AFQjCNHz3tRPALG60Ou73grWAEe0b8MAmg”>A Barcelone, la Rambla proclame la paix
Pendant l’euphorie économique des années 1980 et 1990, quand d’autres régions espagnoles ouvraient leurs portes à des Latino-Américains, la Catalogne a continué à accueillir des Marocains. Certains estiment que les Catalans ne voulaient pas une arrivée trop nombreuse de migrants parlant castillan, préférant apprendre leur langue catalane aux Marocains.
Le père Josep Marie Jubany, responsable de l’aide religieuse aux immigrés, n’est pas d’accord : « Nous avons aussi beaucoup de Latino-Américains, mais il est vrai que pour travailler dans l’administration, par exemple, il faut parler le catalan. » Il estime que « la Catalogne a su mieux que la France, par exemple, intégrer ses immigrés de religion musulmane. D’ailleurs, la majorité fait le maximum. Les adultes parlent castillan, les jeunes parlent catalan. »
Le Raval, une société bigarrée
Ici, en Catalogne, pas de « banlieues comme chez vous. Les immigrés vivent plutôt dans les centres-villes désertés par les Catalans », estime Yolanda Aixela.
On entre dans le Raval par les Ramblas. Ce vaste quartier central aux rues rectilignes et étroites arrive à rassembler, dans une même artère, des boutiques branchées, un hôtel de luxe pour touristes, quatre ou cinq supérettes tenues par des Pakistanais, des restaurants « au roi d’Istanbul », une salle de prière surpeuplée donnant sur la rue, des immeubles où les propriétaires tentent d’expulser des locataires immigrés ou dealers pour louer à la semaine à des touristes.
À LIRE : http://www.la-croix.com/Monde/Europe/musulmans-defile-contre-terrorisme-Barcelone-2017-08-22-1200871109&;source=gmail&ust=1504178282915000&usg=AFQjCNFSum3E_IfalqPp1ErKMw4o-xnBCQ”>Des musulmans ont défilé contre le terrorisme à Barcelone
Dans cette société bigarrée, Fatima nettoie des bureaux. Elle vit ici depuis 19 ans, ne porte pas de voile et fume tranquillement dans l’uniforme blanc de sa société de nettoyage, avant d’aller à la plage. « C’est mieux de ne pas porter de foulard. L’autre jour, dans le métro, des Catalans regardaient fixement ma mère qui en porte un. Je leur ai demandé : “tu veux une photo de ma mère ?” ». Les deux enfants de Fatima apprennent aussi l’arabe dans un centre communautaire du Raval.
« Notre concept de laïcité n’est pas anti religieux »
Il existe en Catalogne environ 300 salles de prière, aux devantures de petits commerces, et « cinq mosquées bâties dans les trois dernières années, en dehors de Barcelone. La visibilité du culte musulman est très faible », constate Jordi Moreras, chercheur à l’université Rovira i Virgili de Tarragone.
En Catalogne, il n’existe pas d’interdiction du voile intégral, ni de porter le voile dans les administrations. Le père Jaume Flaquer résume : « en Espagne, les signes religieux ne sont pas un grand problème. Notre concept de laïcité n’est pas anti religieux. D’ailleurs, une aide directe économique aux institutions religieuses est possible ». En Catalogne, « la société a toujours été très sécularisée », souligne pour sa part le père Josep Marie Jubany.
LIRE AUSSI : http://www.la-croix.com/Religion/Islam/Lislam-lEspagne-daujourdhui-nest-celui-dAl-Andalous-2017-08-18-1200870532&;source=gmail&ust=1504178282915000&usg=AFQjCNFl8zCoPYG7BfL1Yu85k3urGXcqWg”>« L’islam de l’Espagne d’aujourd’hui n’est plus celui d’Al Andalous »
En clair, les questions linguistiques ont jusqu’à présent beaucoup plus occupé les esprits que les problèmes religieux. Ce que résume ainsi Yolanda Aixela : « Gerd Baumann, un chercheur hollandais, disait qu’en Catalogne, 10 % de la population musulmane qui demande des droits, ce n’est pas un problème, mais que 5 % de la population de langue espagnole qui demande quelque chose, c’est une crise multiculturelle. »
Cette légèreté pourrait avoir disparu avec les attentats d’il y a une semaine. Ils ont été commis par « des jeunes qui n’étaient pas des marginaux, avaient fait des études et étaient épaulés par la population », insiste le père Jaume Flaquer.
À Vic, « depuis les attentats, quelque chose s’est brisé. »
À Vic, ville de 40 000 habitants à une heure de route de Barcelone et proche de Ripoll, la bourgade d’où venaient les jeunes terroristes, l’identité catalane est visible partout. Dans les commerces comme aux fenêtres. Sur la plaza mayor, on ne compte plus les drapeaux sang et or, les « Si » (« Oui ») en référence au référendum sur l’indépendance organisé dans un mois.
À LIRE : http://www.la-croix.com/Monde/Europe/attentats-accord-feint-entre-Barcelone-Madrid-2017-08-22-1200871093&;source=gmail&ust=1504178282915000&usg=AFQjCNF9K_CQAG3tFn9nHz7D9TyzqMpC-g”>Après les attentats, un accord feint entre Barcelone et Madrid
Les habitants de cette ville prospère cohabitent depuis des années avec des immigrés musulmans travaillant dans l’agriculture ou les zones industrielles proches. Carmen, une jeune retraitée, prend le frais en face d’une famille marocaine. « Depuis les attentats, quelque chose s’est brisé. », avoue-t-elle.
Plus loin, on croise un prêtre de Vic. Il est plus net : « on a anesthésié le peuple avec des bons mots. Ce que dit la maire de Barcelone sur le mélange des gens, le melting-pot, c’est un conte. Un musulman ne s’intégrera jamais. Au mieux, il peut nous supporter. C’est tout. »
Face à ce désarroi, Jordi Moreras alerte : « on doit donner un message à cette opinion publique blessée. La diversité demande toujours un compromis. Nous devons rendre compatibles nos diversités. » Le chercheur estime que les musulmans doivent aller plus loin que de scander « ces attentats ne sont pas mon islam ! »« Le problème de fond, dit-il, est la faiblesse institutionnelle de l’islam en Catalogne. »
Le père Josep Marie Jubany constate que « les imams ont souvent un savoir religieux très limité, fait de trois ou quatre certitudes dont ils arrivent à faire un prêche ». Il reconnaît « que, de toute façon, les jeunes terroristes n’allaient pas à la mosquée. »

Les jeunes absorbent une « grande quantité d’informations en langue arabe sur Internet, qui décrivent l’Occident comme opprimant leur religion », explique le père Jaume Flaquer. Il constate aussi la présence d’un courant salafiste. « Cette idéologie radicale est financée par des familles argentées du royaume saoudien. Pour elles, un non musulman est un ennemi. »

2018-02-20T15:43:18+00:00